À vos marques ! Les éditions Le Temps Présent s’effacent officiellement au profit de JMG éditions…
Les éditions Le Temps Présent s’effacent officiellement au profit de JMG éditions…
Les péripéties juridiques sont fréquentes dans des domaines aussi sensibles que l’édition. Témoin celle qui nous arrive et dont vous trouverez les détails ci-après.
Cet article est aussi l’occasion d’exposer comment fonctionne le monde de l’édition et quelles sont les arcanes de la distribution en librairie…
Après avoir créé la revue Parasciences en 1989, j’ai entrepris de la compléter par des hors-séries, lesquels se sont rapidement transformés en livres.
Parasciences était – et est toujours – une revue vendue par abonnement à un public restreint.
La distribution des livres appelait une autre forme de commercialisation et la logique m’a poussé à essayer de les diffuser en librairie. C’est la raison pour laquelle, en 1997, j’ai transformé la structure associative qui encadrait la parution de la revue en une société qui a été dénommée « SARL JMG éditions ».
L’aventure commençait et, comme pour toute aventure, il a fallu tâtonner et s’adapter à un milieu nouveau, en découvrir les codes et les usages.
L’édition, comment ça marche ?
Je me suis d’abord mis en quête d’un distributeur pour les livres que j’allais publier. J’ai trouvé un diffuseur sérieux et sympathique avec qui des liens forts se sont tissés. Il s’agit d’une structure appelée CED qui a accepté de diffuser les livres publiés sous le label « JMG éditions ».
Il faut savoir que la commercialisation des livres en librairie dépend de deux structures – parfois rassemblées en un seul organisme – mais qui peuvent être aussi des sociétés distinctes : le diffuseur et le distributeur.
Le diffuseur, avec son réseau de représentants, contacte les librairies et les plateformes de ventes, comme la Fnac ou Amazon ; il est également chargé de répertorier les livres sur les bases de données professionnelles.
C’est lui qui, après la prospection par ses commerciaux, remet un bon de commande à l’éditeur pour fixer le nombre de livres attendus par les libraires.
Les livres sont ensuite envoyés au distributeur, qui, comme son nom l’indique, va expédier les livres à tous ceux qui les ont commandés.
Le distributeur dispose pour cela d’un service logistique qui se doit d’être rapide et performant, le but étant d’envoyer le plus rapidement possible les livres aux libraires.
Un système de dépôt
Il faut préciser que les ventes en librairies fonctionnement suivant le principe du dépôt-vente. Dans la pratique, les livres vendus sont facturés aux libraires une fois commandés, mais ces derniers disposent de ce que l’on appelle une « faculté de retour » qui leur permet d’être remboursés des livres invendus qu’il leur suffit de retourner au distributeur. Ce dernier établit alors à l’éditeur une facture basée sur le flux ventes/retours, ce qui réserve parfois des surprises pour le moins désagréables.
Si la mise en place est importante, le chèque que l’on reçoit en retour l’est aussi. Mais si, au bout de quelques mois, le taux de retours est impressionnant, il faut rembourser ce qui a été engrangé les mois précédents. Nombre d’éditeurs ont ainsi fait faillite suite à des revers éditoriaux majeurs.
Je me souviens de la joie qui a été la mienne lors du lancement des livres de JMG éditions en librairie à l’issue de son premier mois d’existence… et de ma désillusion lorsque, deux mois plus tard, les retours s’accumulant, il m’a fallu déchanter, rembourser et prendre conscience de la complexité du processus éditorial.
Ce n’est souvent qu’au bout de quatre ou six mois, voire plus dans certains cas, que l’on sait si un livre fonctionne ou non car les retours peuvent s’étaler sur cette longue période.
Ne me demandez pas pourquoi un livre fonctionne ou non. Il n’y a pas de règle. J’ai vu des livres se vendre sur un temps long avec des auteurs qui refusent tout contact avec la presse et d’autres qui font un score lamentable avec des auteurs qui se démènent et qui, faisant jouer leurs relations, ont des articles dithyrambiques dans la presse.
Bref…
Après avoir signé un contrat de diffusion avec CED, j’en ai signé un autre avec un distributeur (Distique) qui, au bout de quelques années, a fait faillite, ce qui a entraîné la chute d’un nombre conséquent d’éditeurs dans la foulée.
L’édition n’étant pas, à l’époque, notre principale source de revenus, nous nous en sommes sortis et avons rapidement trouvé un autre distributeur (Casteilla, qui a été remplacé les années suivantes par Daudin puis Dilisco).
Évolution
JMG éditions se développait donc, mais nous nous trouvions confrontés à un problème maintes fois signalé : nos livres ne se trouvaient en librairie qu’avec difficulté, ce qui n’était pas encourageant.
La tentation était donc grande de changer de partenaires.
À l’été 2005, un ami éditeur m’a incité à demander à DG diffusion – un diffuseur distributeur de la région Toulousaine – de se charger de la commercialisation de nos ouvrages.
J’ai obtenu un rendez-vous et, après un très long entretien cordial suivi de plusieurs semaines d’attente fébrile, j’ai reçu une fin de non-recevoir. Motif : la thématique de JMG éditions (la même que maintenant) ne correspondait pas à la ligne qui se mettait en place chez DG alors en pleine restructuration et s’orientant vers les médecines alternatives.
Amère désillusion.
Fin 2005, un auteur me proposa une série d’ouvrages dont la thématique correspondait pleinement à la fameuse ligne de DG diffusion…
Pourquoi ne pas retenter ma chance ?
Ce que je fis. Je proposais à DG de créer une nouvelle structure dédiée à cette thématique (les médecines douces) et, dans la journée, je reçus un accord de principe.
Victoire !
Comme DG ne voulait pas de JMG éditions, il me restait à créer une nouvelle cette structure. Comment l’appeler ? Un nom finit par émerger qui sonnait frais : Éditions Le Temps Présent. Philippe Lahille, un des responsables de DG, me conseilla de faire déposer la marque par un avocat afin qu’elle soit légalement protégée.
Je contactais dans la foulée un avocat amiénois qui m’avait aidé lors d’une récente affaire et ce dernier, moyennant environ 2 000 euros d’honoraires, se chargea du dépôt auprès de l’INPI.
La marque était donc protégée. J’étais paré pour une nouvelle aventure… et à la tête d’une double structure.
- Le paranormal : ovnis, survie, etc. restait chez JMG édition diffusé par CED.
- Et les livres sur le développement personnel étaient publiés sous le label Éditions Le Temps Présent, distribué par DG diffusion.
Arriva la première réunion avec les commerciaux de DG qui m’interrogèrent sur mon parcours. J’évoquais JMG éditions dont ils avaient entendu parler… et ils s’étonnèrent de ne pas avoir le catalogue de JMG à distribuer.
J’expliquai les raisons et l’embrouille à laquelle j’avais été confronté. Ils se retournèrent vers la direction de DG… et, à compter de ce jour, la porte s’ouvrait pour que Le Temps Présent publie des livres entrant dans la thématique… de JMG éditions.
Mais le mal était fait : les deux structures continuaient à exister en parallèle.
Le temps passa et j’eus la confirmation que les livres distribués par DG se vendaient nettement mieux que ceux distribués par CED.
La logique des choses fit que je privilégiais naturellement DG – donc Le Temps Présent – qui devint rapidement notre fer de lance avec, entre 2006 et 2019, plus de 290 titres au catalogue, reléguant JMG éditions – toujours distribué par CED – à une part congrue.
Je publiais de temps à autre quelques ouvrages, importants mais à faible potentiel, chez JMG éditions, histoire de garder cette structure en état “au cas où”, parce que, avec ma mentalité de paysan je n’aime pas mettre tous mes œufs dans le même panier, mais aussi par affection – je suis sentimental – pour l’équipe de CED à qui je dois mes premiers pas et avec laquelle une amitié sincère s’est nouée.
Les années passèrent… jusqu’en 2016
De temps à autre je recevais des courriels d’une maison d’édition (distribuée – le monde est petit – par CED) qui me réexpédiait des messages qui étaient destinés au Temps Présent car il y avait confusion sur le destinataire. Et pour cause, cette structure s’appelait – et s’appelle toujours – Temps Présent…
Ayant fait déposer Le Temps Présent et n’étant pas procédurier, le fait qu’une autre structure porte le même nom que l’une des miennes ne me dérangeait pas. Laissons glisser.
Arrive 2016. Je prends contact avec l’INIPI et envoie le dossier de renouvellement de la marque Éditions Le Temps présent puisque la protection légale ne dure que 10 ans. Et là je reçois en retour un courrier de l’INPI qui me fait savoir que la marque a certes été déposée en 2006 mais qu’elle a été rejetée quelques mois plus tard, ce dont l’avocat amiénois ne m’avait pas informé. En clair, cela signifie que, depuis 10 ans, je me croyais protégé sans l’être.
Heureusement que l’autre Temps Présent ne m’a pas fait d’histoire, me dis-je en mon for intérieur.…
J’écrivis à l’avocat amiénois pour lui demander des comptes. Il ne me répondit pas et je passais à autre chose de plus palpitant que cette histoire de marque… ce n’est pas le boulot qui me manque.
Les années suivantes – 2016-2019 – correspondent à la période où mon ami François Brune me confia ses ouvrages de théologie. Ce sont des livres particulièrement difficiles à vendre, mais François voulait pérenniser son œuvre avant de quitter ce monde et je m’attachais à en publier un maximum jusqu’à son décès en janvier 2019.
C’est aussi la période (2017) où, constatant les frais particulièrement élevés que représente la gestion de deux structures de diffusion chez des diffuseurs – distributeurs différents, je pris – enfin – la douloureuse mais nécessaire décision de quitter CED et Dilisco et de confier la commercialisation de mes deux marques à DG diffusion.
De grosses économies allaient s’ensuivre qui allaient me permettre d’améliorer la SARL que je transformais en SAS pour des raisons administratives.
Arrive janvier 2019. François Brune nous quitte. C’est le départ d’un ami et, je le sais, le début d’une ère nouvelle. C’est aussi l’occasion de faire le point. Je reprends les vieux dossiers et je décide de déposer – par mes propres moyens cette fois – la marque Le Temps Présent. Autant être protégé, on ne sait jamais.
La marque est officiellement déposée à l’INPI le 1er avril suivant, juste après le décès de ma maman (27 mars 2019)…
Les choses se corsent
À peine la marque Le Temps Présent est-elle déposée que je reçois un courrier recommandé du directeur des éditions Temps Présent me mettant en demeure de cesser toute utilisation de cette marque qui vient en concurrence de la sienne.
Ouf, me dis-je, j’ai bien fait de déposer la marque ! Mais comment réagir ?
Deux ans auparavant, JMG éditions étant encore chez CED, la situation aurait été difficile à gérer. Mais là, JMG et Le Temps Présent étant chez le même distributeur, cela ne me coûtait rien de sortir les nouveautés à venir sous la marque JMG et de laisser Le Temps Présent s’épuiser doucement. Cela présentait quelques inconvénients mais je savais intuitivement qu’ils seraient vite compensés par des avantages.
J’informais donc en retour le responsable de la société « concurrente » qu’à compter des parutions de juillet 2019, la marque Le Temps Présent ne serait plus utilisée pour promouvoir mes nouveautés.
Dont acte.
Durant toute l’année 2020 je m’appliquais donc à sortir uniquement des livres sous le label JMG éditions et je me pensais en sécurité, ayant, de mon point de vue, respecté mon « contrat » vis-à-vis du « concurrent ».
Mais ce n’était visiblement pas son avis car, le 15 décembre 2020, je reçus une nouvelle lettre recommandée comminatoire me mettant en demeure de supprimer dans les deux mois tous les titres parus dans la structure Le Temps Présent.
Là, les signaux virèrent au rouge. Je me sentais menacé dans ma sécurité : Le Temps Présent représentait ce que l’on appelle un “fond éditorial” sur lequel reposait l’économie de la structure éditoriale. Que ce fond disparaissent d’un coup et tout s’écroule. Et tout cela à cause de la légèreté d’un avocat…
Sentiment d’injustice.
Que faire ? En toute logique, je me suis résigné à demander conseil à un avocat – un spécialiste du droit d’auteur cette fois – à qui j’exposais ma situation.
Ce dernier m’annonça dans un premier temps une victoire éclaire et totale : “Le droit est avec vous, vous n’avez rien à craindre, il y a une jurisprudence », etc.
Moi, tout ce que je demandais, c’est qu’on me fiche la paix et que le premier avocat qui m’avait mis dans la mouise ait le nez dans son caca. Que l’autre Temps Présent soit atomisé, cela ne m’intéressait pas. Je pouvais même à la limite comprendre son point de vue…
Mais me voilà le doigt dans l’engrenage de la procédure. Et comme tous les doigts dans un engrenage…
Déjà, mon affaire est une goutte d’eau dans l’océan des procédures juridiques. Elle est loin d’être prioritaire et je m’en aperçus à la lenteur où mon avocat traitait l’affaire… par la suite, il m’apprit que, certes, une jurisprudence m’était favorable et que j’avais une chance de gagner, mais que ça risquait d’être long et coûteux… qu’en fait c’était risqué, et puis que ça allait coûter bonbon. Le mieux, me conseilla-t-il au final, serait peut-être de céder et de transférer les titres qui restaient au Temps Présent chez JMG éditions ?…
Énervement… que faire ?
Le choix
Passer des années en procédures judiciaires, avec des frais conséquents (260 euros HT du quart d’heure d’honoraire, ce n’est pas donné), me taper un appel en cas d’échec avec rebelote au niveau des frais… perdre le peu de cheveux qui me restent sur la tête… tout cela pour quoi ? En fait, pour revenir au point de départ c’est-à-dire n’avoir qu’une structure appelée JMG éditions. Ou me battre pour la gloriole pour conserver Le Temps Présent, label créé pour une circonstance bien spécifique…
Céder, c’était réunifier une structure éditoriale qui n’aurait jamais dû être scindée, c’était profiter de l’occasion pour faire le tri dans un catalogue un peu vieillissant, remettre des titres en nouveauté pour les relancer et, finalement, sortir la tête haute de l’épreuve. Il fallait juste que je convainc mon mauvais caractère et mes pulsions belliqueuses que c’était la bonne solution… ce que que j’ai fait, préférant la tranquillité au conflit, regroupant mes forces et mon énergie pour des combats à venir qui en valent la peine.
La bataille juridique, car il y en a malgré tout une, face à celui qui est à l’origine de ma déconvenue, se déroule sur un terrain où j’ai – en principe – plus à gagner qu’à perdre.
Je pense avoir fait le bon choix.
Tout ceci pour vous expliquer la situation par le menu et vous dire que, d’ici l’été 2022, tous les titres publiés sous le label Le Temps Présent seront disponibles sous la marque JMG éditions.
Les auteurs ne verront (ou n’ont vu car le processus se fait à son rythme et a commencé à l’été 2021) qu’un changement minime en apparence : logo, ISBN (la « carte d’identité d’un livre), code-barres et rien d’autre, avec juste une transition laborieuse de quelques mois, le temps que les titres fassent leur mue et « s’installent » sous leur nouveau label.
Cette réforme quasi forcée aurait pu nous couler tant les frais engagés sont importants et le travail que cela demande impressionnant. Mais je m’honore d’avoir mis au point un système de production qui me permet de transformer un inconvénient en avantage, ce qui est plutôt un signe de bonne santé économique en ces temps troublés.
JMG éditions en sort renforcée et retrouve, peu à peu, sa pleine capacité d’innovation.
J’ai du reste créé un nouveau label – correctement protégé cette fois, enfin j’espère – destiné à accompagner les changements de société en cours : les éditions Transition. Mais c’est une autre histoire et nous aurons l’occasion d’en reparler…
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