EMISurvie et spiritualité

NDE : Un autre regard sur la mort

Après avoir été longtemps considérée comme un moment précis, un changement d’état instantané, la mort a vu peu à peu son statut changer au rythme des progrès de la médecine. Aujourd’hui, il n’existe plus une seule mort, mais plusieurs : mort clinique, cérébrale, physiologique, biologique, etc. Sur le plan médical, la mort a été remplacée par le « processus de mourir », succession d’étapes, où le seuil constituant le passage dans l’état définitif irréversible demeure incertain. Avec le perfectionnement croissant des techniques de réanimation, ces trois dernières décennies ont été témoins de l’apparition d’une nouvelle catégorie de patients ramenés à la vie alors qu’ils s’étaient aventurés plus ou moins loin dans cette zone-frontière. Ainsi est né le terme « Near Death Experience (NDE) » – traduit en français par « Expérience de Mort Imminente (EMI) » – pour nommer un état qui, malgré l’absence de tout signe de vie, n’est pas encore la Mort au sens philosophique du terme, état d’où l’on ne revient pas. Ces expériences, qui ébranlent aujourd’hui la vision occidentale de la mort, dérangeant les médecins et plus largement la communauté scientifique dans son ensemble, sont aussi très perturbantes pour ceux et celles qui les vivent.

Quand la vie ne tient plus qu’à un fil

N.D.E. Trois lettres qui cachent une expérience profonde et complexe, survenant au seuil de la mort. D’après les témoignages, tout commence par un accident de la route, un coma, peut-être une noyade ou simplement un infarctus. On se sent partir. Puis vient une sensation de bien-être intense, à laquelle succède rapidement une étrange impression d’avoir quitté son corps et de l’observer à distance, depuis une position située en général à quelques mètres au-dessus de lui. Après quelques instants pendant lesquels on observe la scène sans trop comprendre ce qui se passe, on se sent aspiré dans un tunnel obscur en direction d’une lumière extrêmement brillante, ressentie comme de « l’Amour pur ». On entre dans cette lumière et c’est alors l’apothéose : des visions paradisiaques, des rencontres avec des êtres de lumière ou des personnes chères décédées, avec lesquelles on pourra communiquer de manière télépathique. Parfois, on revoit sa vie dans les moindres détails, même les plus insignifiants. Finalement, on se heurte à une frontière qu’on n’est pas autorisé à dépasser avant d’être renvoyé d’où l’on vient. Et tout cela n’a absolument rien à voir avec un rêve, au contraire, on dira même plus tard que c’était plus réel que… la réalité ! La conscience était très claire, la réflexion comme accélérée. Pendant quelques instants furtifs – souvent ceux de la réanimation – le temps et l’espace n’existaient plus et l’on a connu un état de paix et de joie tel, que jamais on ne pourra l’oublier.

Bien sûr, cette description est très schématique, car même si ces éléments se retrouvent plus ou moins dans tous les témoignages quels que soient la culture du témoin, sa religion, son niveau social et intellectuel, son sexe ou son âge, ou bien les circonstances qui ont conduit à l’expérience (maladie, accident, suicide), deux expériences ne sont jamais identiques. Tout d’abord, il est très rare de trouver toutes les étapes décrites ci-dessus dans la même expérience. Ensuite, chacune comporte toujours une foule d’éléments personnels qui la rendent unique. Sans compter que chacun l’interprétera et la racontera à sa manière, avec ses propres mots. Mots qui sont justement si difficiles à trouver pour décrire l’indicible. Impossible en effet de mettre des mots sur des sensations que l’on a jamais expérimenté dans la vie quotidienne. Là où il n’y a plus de vocabulaire, les témoins emploient des métaphores ou des comparaisons avec des choses que tout le monde connaît. Par exemple un tunnel, même si au fond « ce n’était pas vraiment un tunnel », car au moins tout le monde vous comprendra.

Loin d’être anecdotiques, ces récits ne sont pas l’affaire d’une poignée d’illuminés comme beaucoup le croient encore. En 1982, un sondage réalisé par l’institut Gallup aux Etats-Unis a estimé à 8 millions le nombre d’Américains ayant vécu une NDE. Dernièrement, un nouveau sondage aurait élevé ce chiffre à 15 millions ! Une revue de toutes les observations publiées à ce jour a conclu que les NDE surviendraient chez 9 à 18% des personnes qui ont « frôlé la mort de près », toutes circonstances confondues [1]. En 2001, la première étude à grande échelle réalisée aux Pays-Bas annonçait que cette expérience était vécue par 12% des personnes réanimées suite à un arrêt cardiaque [2]. De plus, on trouve des récits de NDE à travers les écrits de toutes les époques, notamment chez Platon, ce qui indique que ces expériences ont probablement existé depuis l’aube de l’humanité, mais que c’est probablement le perfectionnement croissant de nos techniques de réanimation qui est à l’origine de la multiplication de ces témoignages au cours des trente dernières années.

Redécouvert dans les années 70 par Elisabeth Kübler-Ross, suivie du Dr Raymond Moody, le phénomène n’a pourtant pas été pris au sérieux, il a tout simplement été nié pendant fort longtemps. Aujourd’hui, le corps médical dans son ensemble admet que ces personnes ont réellement vécu quelque chose d’inhabituel, mais considère toujours qu’il ne s’agit que d’hallucinations produites par un cerveau agonisant ou par les médicaments, malgré l’étude hollandaise du Dr Pim Van Lommel déjà mentionnée plus haut, qui a clairement établi que ces facteurs ne permettaient pas d’expliquer le déclenchement de l’expérience [3]. Pourtant, cette vision réductrice pourrait bien changer dans les années à venir, notamment grâce à l’étape de la NDE où le témoin dit être « sorti de son corps ». En effet, c’est de loin l’élément qui pose le plus de problèmes d’un point de vue scientifique. Alors que toutes les autres étapes de l’expérience, ne permettant aucune « vérification scientifique », pourraient sans peine être classées dans la catégorie des « hallucinations » ou des « rêves », c’est une toute autre histoire quand une personne se met à raconter à son réveil à son médecin la conversation que ce dernier a tenue avec un tiers à … l’autre bout de l’hôpital !

Voir sans les yeux

Il existe en effet de nombreux cas où les expérienceurs [4] ont rapporté avoir perçu, au cours de leur NDE, des objets, des situations ou des événements se produisant à distance de leur corps physique. Bien que ces perceptions aient très souvent pu être confirmées par des témoins, ces récits ont toujours été considérés comme anecdotiques. Jusqu’à ce jour de 1991. Ce jour-là, Pam Reynolds, une américaine de 35 ans habitant Atlanta, doit subir une intervention chirurgicale délicate destinée à lui enlever un anévrisme géant qui menace sa vie, situé au niveau du tronc cérébral, le siège des fonctions vitales. Visant à éviter tout risque d’hémorragie cérébrale, la procédure utilisée – appelée « standstill surgery » – est impressionnante. Après avoir endormi la patiente et abaissé sa température corporelle à 15°C, son cœur est arrêté et on procède à ce que l’on appelle une « circulation extra-corporelle » : pendant plus d’une heure aucune goutte de sang ne circulera plus dans le cerveau de la jeune femme. L’hypothermie dans laquelle elle se trouve permet de ralentir son métabolisme cellulaire et d’éviter les lésions cérébrales qui résulteraient normalement du manque d’oxygène. Au cours de cette intervention monitorée de A à Z, on sait avec certitude que les ondes cérébrales de Pam Reynolds étaient complètement plates et que son tronc cérébral était inactif. En d’autres termes, cette jeune femme était morte selon les critères actuels utilisés pour définir la mort : plus de battements du cœur et plus d’activité cérébrale et cela pendant plus d’une heure avant qu’on ne la ranime ! Au-delà du caractère impressionnant de l’intervention même, ce qui l’est encore plus c’est ce que Pam Reynolds a raconté à son réveil : après avoir perdu connaissance, la jeune femme s’est réveillée et dit s’être sentie quitter son corps. Après quoi, elle serait venue se placer derrière l’épaule du chirurgien et aurait observé sa propre opération. Pam Reynolds a ainsi été capable de décrire les personnes présentes, de même que leurs faits et gestes, comme cette infirmière qui est entrée avec un chariot sur lequel elle a vu « une boîte qui ressemblait à la boîte à outils de son père ». Elle a également pu décrire et même dessiner la scie à trépaner utilisée par le chirurgien. Par la suite, Pam Reynolds est partie dans le tunnel et a vécu une expérience très profonde et classique de NDE. Le rapport très précis de cette opération a ainsi permis de situer que cette acquisition objective d’informations avait eu lieu au cours du laps de temps où le cerveau de la jeune femme n’était pas fonctionnel [5].

Les chirurgiens ayant assisté à l’opération reconnaissent eux-mêmes qu’il est impossible d’expliquer rationnellement comment cette femme a pu obtenir ces informations. Le cas de Pam Reynolds indique clairement que la conscience humaine a des potentialités que les scientifiques ne soupçonnaient pas et certains commencent à se demander si la conscience ne serait pas capable de se « délocaliser ». Malheureusement, cet épisode, tout spectaculaire qu’il soit, ne constitue pas une preuve au sens scientifique du terme. Pour cela, il faudrait pouvoir répéter l’expérience un grand nombre de fois dans des conditions totalement contrôlées, afin de l’étudier dans ses moindres détails. Qu’à cela ne tienne. En Angleterre le Dr Parnia équipe certaines salles d’opération avec des images qu’on ne peut voir que depuis le plafond, dans l’espoir qu’un patient pourra un jour lui dire ce qu’il a vu pendant sa NDE. L’idée est bonne, mais la probabilité qu’une personne vive une NDE justement dans une des salles équipées de ce système, qu’elle voit ce qui se passe dans la pièce (ce qui ne survient pas dans chaque expérience) et remarque l’image en question est faible. D’autant plus qu’il faudrait que cela arrive plus d’une fois pour convaincre les médecins. Dans le même but, nous avons entamé depuis 2005 au Centre Noêsis un programme de recherche sur les phénomènes dits de décorporation ou en anglais d’OBE (Out of Body Experience) que l’on peut aussi vivre en dehors d’une NDE, par exemple dans un état de relaxation profonde. Une partie de ce programme consiste à tenter de vérifier la réalité des perceptions visuelles rapportées au cours d’une OBE dans des conditions totalement contrôlées. Pour cela, nous recherchons plusieurs candidats capables de vivre plus ou moins à volonté des OBE de manière spontanée ou à l’aide d’une technique personnelle. Si vous pensez correspondre à ce profil et si vous êtes intéressé à participer à une étude scientifique, nous vous encourageons vivement à nous contacter le plus rapidement possible.

Des vies à jamais bouleversées

Même si la majorité des NDE étudiées à ce jour est corrélée à une atteinte physiologique, il faut souligner que ce n’est pas la seule circonstance capable de précipiter le déroulement d’une telle expérience. Dans certains cas, la seule prise de conscience de sa mort prochaine (danger immédiat) ou encore un traumatisme psychique peuvent provoquer une expérience similaire. En outre, ces expériences peuvent aussi survenir en dehors de toutes situations associées à un danger physique ou psychique. Il s’agit d’expériences spontanées qui surviennent par exemple au cours de certaines pratiques comme le yoga, la méditation, l’hyperventilation, la sophrologie et parfois – mais c’est beaucoup plus rare – sans aucune raison apparente.

Quoi qu’il en soit, vivre une NDE constitue toujours un véritable séisme intérieur, à moins d’être déjà au préalable engagé dans une recherche spirituelle. En effet, au-delà de tout le questionnement suscité par l’expérience même, celle-ci change irrémédiablement le regard que l’on porte sur le monde qui nous entoure. Changement de valeurs, sentiment de renouveau personnel, plus grande confiance et estime de soi, altruisme, soif de connaissance, réveil philosophique ou spirituel, détachement des biens matériels et disparition de la peur de la mort sont par exemple les termes les plus souvent rapportés par les expérienceurs de NDE. Les conséquences de cette expérience revêtent même parfois un caractère thérapeutique comme l’illustre par exemple les cas de NDE survenues à la suite d’une tentative de suicide, qui ne semblent jamais suivi d’aucune récidive.

C’est vrai, les expérienceurs affirment avoir changé. Pourtant, ceci ne se concrétise pas toujours très positivement dans leur vie quotidienne et il existe parfois un réel décalage entre leur discours et la réalité. Un repli sur soi, une forte fragilité émotionnelle, une susceptibilité exacerbée, des difficultés à communiquer, des problèmes relationnels et une instabilité affective et professionnelle sont le plus souvent observés. En réalité, la NDE est avant tout un traumatisme. Aussi merveilleuse soit-elle, cette expérience n’en demeure pas moins un point de rupture. Il y a un “avant” et un “après” et cette transition sera plus ou moins bien vécue selon la personnalité et le profil psychologique de l’expérienceur. Pourquoi un tel paradoxe ? Il faut savoir que dans les sociétés plus traditionnelles, une expérience de ce type ne constitue pas un problème pour celui qui la vit. Au contraire, dans la nôtre, elle représente une remise en question générale de nos valeurs, de nos croyances, de notre vision du monde, de la réalité, de la vie. Pire encore, elle est associée au puissant tabou que constitue la mort dans le monde occidental. Les expérienceurs ne comprennent pas ce qu’ils ont vécu, parce que cette expérience ne cadre pas avec notre référentiel. Mais le plus difficile, c’est qu’ils rencontrent en plus une incrédulité totale s’ils se risquent à en parler autour d’eux. Les médecins ricanent, l’Eglise ne veut pas en entendre parler et les proches, eux, dépassés par ces récits extravagants, ont du mal à comprendre et à accepter ces changements de personnalité, de valeurs et de convictions. Les expérienceurs se retrouvent alors complètement seuls pour surmonter et intégrer l’expérience qui sera, sans aucun doute, la plus bouleversante de leur vie.

C’est pourquoi, même s’ils pensent avoir changé en profondeur, l’épanouissement entrevu se fera souvent attendre de nombreuses années. Le temps nécessaire à chacun pour que l’intégration puisse se faire. L’avouer n’est pas toujours facile, car on est bien loin de l’image stéréotypée et un peu niaise fabriquée par les médias qui donne l’impression que les expérienceurs reviennent tels des bienheureux du paradis. Pour certains, la NDE laisse plutôt le goût d’un cadeau empoisonné. Parfois même, l’expérience vécue n’a rien du tout d’un cadeau, car il existe aussi ce que l’on appelle des NDE négatives. Des visions infernales au néant “dénué de sens”, les NDE négatives sont un véritable condensé de toutes nos peurs viscérales : souffrance intolérable, impuissance, angoisse extrême, solitude éternelle et désespoir sans fond. Inutile de préciser que les expérienceurs concernés en ressortent avec une peur exacerbée de la mort et totalement traumatisés à l’idée qu’il devront forcément “y repasser” un jour. Cependant, ces récits demeurent rares, puisqu’on estime que les NDE négatives représentent 4 à 5% des cas. Mais il est malheureusement difficile de savoir si ce chiffre est significatif, car il va sans dire qu’il est encore mille fois plus difficile pour ces personnes de se confier. A la peur de faire revivre l’événement par les mots, s’ajoutent la honte et la culpabilité de ne pas avoir “eu droit”, comme les autres, à une belle expérience.

Dethiolaz

Un centre pour trouver de l’aide

Sans nullement chercher à réduire le phénomène à une simple hallucination onirique, il faut reconnaître que la composante psychologique des NDE est importante. Le contexte socio-culturel, historique, religieux, l’éducation, les expériences vécues dans le passé, qui façonnent la personnalité, le profil psychologique et les croyances vont influencer le contenu parfois très symbolique de la NDE, qu’elle soit positive ou négative. Chacun en sera plus ou moins conscient selon son degré d’introspection et sa capacité à s’analyser. Dans certains cas, l’expérience peut somme toute donner des clés très puissantes pour commencer un travail personnel. Pour cela, il faut renoncer à s’accrocher à des explications toutes faites et être prêt à envisager d’autres réponses que celles que l’on porte en soi depuis toujours. Mais ce travail est difficile à faire seul. C’est pourquoi nous proposons au Centre Noêsis, une relecture de l’événement avec un thérapeute averti pour aider à prendre la distance nécessaire et comprendre que cette expérience n’est pas une fin en soi, mais une source potentielle d’évolution personnelle, si on a le désir et la volonté de l’utiliser dans ce sens là.

Pour en savoir plus
Centre Noêsis
Etudes des Etats Modifiés de Conscience
30, rue des Voisins
1205 Genève
Suisse
Tél : +41-22-346 97 74
Email : contact@noesis.ch
Internet : www.noesis.ch

P.-S.

Article Paru dans le N°66 de la revue Parasciences

 

Notes

[1Greyson B., The incidence of near-death experience, Med Psychiatry 1, p.92-99 (1998)

[2Van Lommel P. et al., Near-death experience in survivors of cardiac arrest : a prospective study in the Netherlands, The Lancet 358, p.2039-2045 (2001)

[3Van Lommel P. et al., Near-death experience in survivors of cardiac arrest : a prospective study in the Netherlands, The Lancet 358, p.2039-2045 (2001)

[4Greyson B., The incidence of near-death experience, Med Psychiatry 1, p.92-99 (1998)

[5« Light and Death : One Doctor’s fascinating Account of Near-Death Experiences »
Dr. Michael B. Sabom – Grand Rapids, MI : Zondervan, 1998

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Sylvie Dethiollaz

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