Pourquoi j’ai cessé d’évoquer l’affaire Pantel
Pourquoi j’ai cessé d’évoquer l’affaire Pantel
Jean-Michel Grandsire
Après un long silence, beaucoup de lecteurs de la revue « Parasciences » me demandaient des explications sur mon silence relatif à une « affaire » dont je me suis fait le chantre. Je m’en suis expliqué dans le numéro 73
Je suis un garçon spontané et enthousiaste, avec les défauts et les qualités que cela entraîne.
Quand Bernard Bidault, dont j’ai publié un livre, m’a parlé de l’affaire Pantel, j’ai pensé que j’avais décroché le jackpot. Quelqu’un qui manifeste des phénomènes de poltergeist, qui agit sur la matière et qui est en contact avec des entités vivant sur un autre plan d’existence – avec des enregistrements nets et en quantité – c’était plus qu’une aubaine, c’était une chance qu’il ne fallait surtout pas manquer.
J’ai donc pris du temps, beaucoup de temps, trop peut-être, pour étudier le phénomène le plus à fond possible.
Cela s’est fait en deux temps.
Les présentations se sont faites un beau jour de printemps avec une cerise sur le gâteau : un physicien, sceptique mais ouvert (enfin un !), du nom de Michel Carmassi.
Naturellement, si j’avais traversé la France pour rencontrer le phénomène, c’était pour avoir du concret et du spectaculaire.
Nous avons eu ce que nous voulions
J.-C. Pantel avait beau parler de l’intérêt primordial des échanges philosophiques qu’il entretenait avec d’étranges entités qui s’immisçaient dans sa vie, nous avions plutôt envie de voir les objets valser. Et sur ce plan-là nous avons été servis.
Dans une ambiance électrique, nous avons eu droit à un festival de faits étranges que j’ai longuement décrits dans deux numéros de Parasciences : une pipe qui disparaît et qui tombe à mes pieds dans un bloc de glace, une bille de métal qui apparaît sur mon ordinateur pour ensuite disparaître pour être retrouvée quelques heures plus tard à des kilomètres de là, des coups de téléphone étranges avec des entités que seul Pantel entendait et, pour finir, la matérialisation d’une pierre (à laquelle je n’ai pas assisté) devant notre physicien qui est reparti chancelant dans ses convictions rationalistes…
Cela valait la peine d’approfondir le phénomène et, à l’automne suivant, dans un deuxième temps, Michel Carmassi et moi avons passé pas moins de deux semaines auprès du « phénomène », écoutant ses amis, ses histoires, enregistrant et filmant le tout.
Entre-temps, les lecteurs de Parasciences étaient informés du « cas Pantel » et attendaient, fébriles, d’en savoir davantage.
Ensuite, vint une longue suite de désillusions qui m’ont amené, non pas à classer le dossier, mais à prendre un recul salutaire qui a abouti à un silence radio sur lequel je me suis expliqué brièvement dans les pages du courrier des lecteurs quand certains d’entre vous, que j’avais alléchés par mes articles enflammés, me demandaient de justes comptes.
Pourquoi donc ai-je cessé d’en parler ?.
Les raisons sont multiples.
La principale est une raison d’éthique. La philosophie de J.-C. Pantel, si elle est enrobée dans un verbiage complexe et ampoulé, est dans le fond d’un nihilisme effrayant. Pourquoi travailler et perdre son temps pendant qu’on peut se débrouiller avec le RMI ? Il faudrait être bien stupide pour ne pas en profiter.
Mais aussi, pourquoi continuer à vivre, alors que la vie, au fond, est sans grand intérêt ?
Un goût prononcé pour la mort… des autres
En enquêtant, nous nous sommes aperçus que beaucoup d’amis de Jean-Claude sont morts dans des circonstances dramatiques. Il m’a même semblé que son rapport à la mort était des plus ambigus et, pour tout dire, pas très sain. Ce qui m’a le plus choqué, c’est le jour ou, rentrant de vacances, j’ai appris par un message sur mon répondeur la mort de Bernard Bidault, notre ami commun. C’était un soir. J’ai passé une bien mauvaise nuit, songeant à l’ami disparu. Quand le lendemain j’ai appelé sa femme pour lui présenter les condoléances d’usage, je l’ai entendue me dire : « Ne quitte pas, je te passe Bernard, il est sous la douche ».
Malgré mon légendaire sens de l’humour et de la dérision, j’avoue n’avoir pas apprécié.
Cette simple raison suffit largement pour expliquer mon repli.
Vous êtes mes lecteurs et j’ai une responsabilité envers vous. Je me dois, certes, de vous donner de l’information sur le paranormal, mais pas de vous désocialiser ou vous inciter tacitement au suicide.
Tricheur ?
Le pour et le contre
Autre aspect : la triche.
Sur ce sujet, j’ai eu de longues conversations, souvent animées, avec Michel Carmassi. J.-C Pantel n’aurait-il pas tendance à en rajouter quant à ses pouvoirs psi ?
Pour le physicien, après mûre réflexion, nous avons été victimes d’un habile prestidigitateur. Point barre. Je suis plus circonspect, sachant, par expérience, qu’un sujet psi, qui a par ailleurs de réels pouvoirs, a tendance à tricher quand les phénomènes ne se produisent pas, surtout – comme c’était notre cas – quand on se trouve face à des gens en attente. De mon point de vue, certains faits auxquels j’ai assisté sont difficilement explicables par la manipulation. Mais quand je prends tous les phénomènes auxquels nous avons assisté, toutes les explications rationnelles possibles, tous les témoignages contradictoires de ceux des gens qui ont cru en Pantel avant de le rejeter, tous les cas antérieurs cités par des témoins, toutes les contradictions que l’on découvre en recoupant les témoignages du dernier carré des « fidèles », que reste-t-il quand on a bien secoué le tout dans sa petite cervelle ? Un inextricable sac de nœuds.
Une anecdote mérite d’être signalée. Au cours d’une émission à laquelle j’ai participé sur la station Ici et maintenant, j’avais fait part de mon enthousiasme à propos de Pantel que je venais de rencontrer. Cela a incité les animateurs de l’émission à inviter Jean-Claude.
Lorsqu’il est venu participer à l’émission qui lui était consacrée, il a dormi sur place avant de se rendre, le lendemain, chez des amis en forêt de Fontainebleau où Michel Carmassi et moi-même, qui venions de participer à une émission sur Europe 1, l’avons rejoint.
Nous avons passé une fort agréable soirée et la surprise a été totale lorsque, en faisant la vaisselle, la maîtresse de maison a découvert, au fond de l’évier rempli d’eau, une superbe boule Yin-Yang surgie d’on ne sait quel vortex.
L’émotion était grande et cela méritait un article dans Parasciences. J’y montrais, dans le n° 53, une photographie de la fameuse boule surgie par enchantement. Le fait aurait pu passer pour extraordinaire si je n’avais pas publié la photographie. Où Pantel aurait-il pu trouver une pareille boule ? C’était là une preuve irréfutable qu’il génère des phénomènes extraordinaires. Le problème, c’est qu’à la lecture de l’article, le responsable de la radio Ici et maintenant a eu la joie de constater que l’une des deux boules Yin-Yang qui se trouvait sur son bureau et qui avait disparu depuis le passage de Pantel, avait simplement changé de place ! Je veux bien pousser la bonne volonté, voire la naïveté, jusqu’à croire que la disparition s’est faite dans l’ombre de Pantel et qu’il a généré une translation spatio-temporelle, mais quelque chose me dit qu’il y a eu comme de la manipulation… Bon d’accord, certains vont m’accuser de rationalisme exacerbé. J’assume.
La vérité s’emboite…
Un être complexe et brillant
Il est évident que Jean-Claude Pantel, par son charisme et sa grande intelligence a subjugué bien des gens qui l’ont placé sur un piédestal, faisant de lui un « nouveau J.-C. » L’habit était trop grand et la désillusion a été à la mesure de l’enthousiasme.
Nous ne connaîtrons jamais la totale vérité en ce qui concerne les « pouvoirs » de Jean-Claude Pantel et cela doit bien l’arranger. Et puis après tout, s’il n’est qu’un habile prestidigitateur, nous n’avons pas à lui en vouloir. Il nous a donné ce que nous voulions : du spectaculaire.
Attachez vos ceintures
Restent ses messages. J’ai dans mes archives des heures entières d’enregistrement entre Jean-Claude et diverses entités. C’est impressionnant, mais, hélas, totalement indigeste tant le verbiage est ampoulé.
En voici un exemple. Il s’agit d’un message émanant d’une entité qui se fait appeler Jigor (extrait d’un article paru dans Parasciences n° 55) :
La densité de l’Espace vide, c’est-à-dire la vacuité dudit Espace, génère des particules (microcellules et précellules) de par la Loi des Échanges dont nous vous entretiendrons. Ces particules sont en suspens du support volumique qu’est la Terre. La lumière astrale, solaire en l’occurrence, traverse ces particules et leur octroie, selon la profondeur du volume qu’elles vivent et qui les vit, des expressions ondulatoires que vous pouvez nommer spectres : le spectre dont nous faisons état ici intéresse la vue, en tant que moyen de perception et parfois d’interception.
Ce spectre va donner, à travers le prisme des couleurs que le sens précité interprète, une de ces couleurs à la chose perçue. Donc, une fois acquis que l’échange en les couleurs est dû à ce qu’irradie et filtre la lumière astrale en la superposition des couches vivantes de l’atmosphère, il ne conviendra plus qu’à en situer les nuances. Le meilleur exemple soulignant la différence des effets perçus en les divers volumes d’Espace vide est l’eau. Elle prendra et rendra les couleurs que son environnement vécu en l’échange reçu/transmis lui conférera. Cela ira du cristallin au blanc, puis au bleu pâle, un bleu de plus en plus foncé la faisant accéder alors à ce que vous assimilerez au noir : votre prisme des couleurs ne vous autorisant pas à situer toutes les nuances qu’exerce la lumière en les volumes qu’elle visite. C’est l’absorption par la densité existentielle des choses de la quasi-totalité des radiations luminescentes qui leur interdit, en la situation évoquée, de réfléchir ce qui devient l’opacité dont votre vue n’établit plus, sauf exception, aucune synthèse.
Ces radiations qui constituent la lumière incidente ne vous parvenant pas, l’acuité adaptative vous fait défaut car il faut alors avoir recours à la bioluminescence : l’aptitude à produire sa propre lumière. »
Que faire ?
Comme le disait si bien Montaigne : « Ce qui s’entend aisément s’énonce simplement ».
Au final, que faire ? Continuer à parler des tours de passe-passe qui se font « autour de » ou « par l’intervention de », Jean-Claude Pantel ?
Cela mènerait où ?
Confronter Pantel à ses anciens (nes) admirateurs (trices) pour que chacun règle ses comptes ?
Je pourrais aussi vous passer des pages entières de messages semblables à celui que vous avez pu lire plus haut (pour ceux qui sont allés jusqu’au bout). Mais ce serait un acte de pur masochisme, voire de sadisme intégral vis-à-vis de vous qui, majoritairement, ne supportez pas de lire le moindre texte trop compliqué (le courrier des lecteurs en fait foi).
Alors que reste-t-il, si ce n’est une question : qui est Jean-Claude Pantel ? Ange et démon ? Schizophrène abouti comme me l’a dit un psychiatre, c’est-à-dire un homme dissocié qui vit dans plusieurs univers à la fois ? Un mutant, comme il semble le croire lui-même ? Mais un schizophrène n’est-il pas un mutant quand il a accès à ses mondes intérieurs ?
Mon tort a été de m’emballer, de ne pas laisser le temps à la réflexion et de vous avoir entraînés sur une pente savonneuse. J’en suis navré, mais c’était sans doute un passage obligé.
Dois-je l’avouer, j’ai une grande estime pour Pantel. Même s’il nous a roulés dans la farine, c’est l’un des êtres les plus brillants et complexes qu’il m’ait été donné de rencontrer. Mais cela ne suffit par pour que je participe, comme j’ai failli le faire, à sa promotion. Je ne vous en parlerai plus car, qui et quoi qu’il soit, je suis intimement convaincu, avec le recul, qu’il ne peut vous apporter ce que je cherche à vous offrir : du beau, du constructif, de l’espoir et une ouverture vers un monde de lumière.
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